Mundo Agrario, vol. 18, nº 39, e068, diciembre 2017. ISSN 1515-5994
Universidad Nacional de La Plata. Facultad de Humanidades y Ciencias de la Educación.
Centro de Historia Argentina y Americana

 

DOSSIER
El trabajo doméstico y sirviente en la Europa rural (SS. XVI-XIX).
Diversidad de modelos regionales y formas de dependencia

 


Travail domestique et travail salarié des enfants dans le monde rural (le canton de Marines vers 1830)

 

Fabrice Boudjaaba

Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Centre de recherches historiques, France
fabrice.boudjaaba@ehess.fr


Laurent Herment

Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Centre de recherches historiques, France
laurent.herment@ehess.fr

 

Cita sugerida: Boudjaaba, F. y Herment, L. (2017). Travail domestique et travail salarié des enfants dans le monde rural (le canton de Marines vers 1830). Mundo Agrario, 18 (39), e068. https://doi.org/10.24215/15155994e068

 

 

Abstract
In this article, using nominative census data of 1836 for 25 villages located at around 50 kilometers in the north of Paris, we examine who worked and who did not within each household. We focus on young women to assess the condition in which they entered the labor market without leaving their parents’ household. We think that such a gender approach can help us to assess the parameters which stimulate the entrance into labor market with reference to household composition, and the level of wealth of households. In the following section we first describe the sources we have used. In the second section we study the links between qualification of children and household composition. In the third section we propose a model to understand and assess the parameters which can explain the decision to enter the labor market. It appears that, in this society, the life cycle does not fully explain the behavior of young women. They are protected from an early entrance into labor market by several factors, among them the matrimonial status of the head of the household and the presence of a young older than 16 years (usually a brother). Finally, this approach allow us to reassess the extent and the reasons of the under-registration of women’s labor.

Keywords: Emploi domestique; Histoire agraire; Enfant; Paris; France; 19e siècle

 

 

Empleo doméstico y trabajo asalariado de los niños en el mundo rural (Marines – región del norte de París – alrededor de 1830)

 

Resumen
En este artículo utilizamos datos de censos nominativos del año 1836 referidos a 25 pueblos localizados a unos 50 km al norte de París y analizamos quién trabajaba y quién no en cada hogar. Centramos nuestra atención en las mujeres jóvenes y en las condiciones por las que entraban en el mercado laboral sin dejar el hogar paterno. Creemos necesario un enfoque de género para abordar los parámetros que estimulaban la entrada al mercado laboral en referencia a la composición del hogar y al nivel de riqueza de los hogares. En el artículo describiremos, en primer lugar, las fuentes que utilizamos. En la segunda parte, estudiaremos los vínculos entre la cualificación de los hijos y la composición de los hogares. Y en la tercera proponemos un modelo para entender y evaluar los parámetros que explican la entrada al mercado laboral. Al parecer, en esta sociedad el ciclo de vida no explica por completo el comportamiento de las mujeres jóvenes. Encontramos diversos factores que las protegen de la temprana incorporación al mercado laboral entre los que destacan: el estatus matrimonial del cabeza de familia y la presencia de un hermano mayor de 16 años (normalmente un varón) Por último, este estudio nos permite plantearnos las razones del subregistro del empleo en mujeres.

Palabras Clave: Empleo doméstico; Historia agraria; Niño; París; Francia; Siglo XIX



La question de l’insertion des enfants sur le marché du travail dans l’Europe préindustrielle et en voie d’industrialisation occupe une large place dans l’historiographie. Pour ce qui concerne le monde agricole et rural cette question a été principalement envisagée à travers le travail domestique et le lien entre la mise au travail des enfants, les formes d’organisation familiale et les structures de corésidence.

Peter Laslett (1977; 1983) a ainsi largement contribué à mettre en évidence la place du service domestique dans la composition des ménages, les jeunes gens quittant le foyer parental pour aller travailler dans une autre ferme durant quelques années avant de se marier et de s’installer eux-mêmes à la tête d’un nouveau ménage. Cette veine historiographique est loin d’être épuisée et a donné lieu encore récemment à des travaux qui, en faisant le lien avec la question du travail domestique, réinterroge les cartographies des modes de corésidence (Szoltijek, 2007; 2009).

La question du travail domestique chez Laslett et chez Hajnal (1965) ou encore chez Chaunu (1974) en France, pour ne citer que quelques auteurs majeurs, se situait à l’articulation d’une interrogation plus large sur les raisons du mariage tardif en Occident (Wall, 1978). Le travail domestique des jeunes gens apparaissait alors comme un mode de régulation du « monde plein » qui permettait de retarder l’âge au mariage dans des territoires européens densément peuplés où la terre disponible pour permettre l’installation d’un jeune ménage était un bien rare.

Sans contredire ce type d’approche, une deuxième approche du travail domestique, plus récente, a consisté à étudier la domesticité comme une séquence plus ou moins systématique, étape temporaire souvent, mais pas toujours, dans le parcours de vie des individus. C’est ce à quoi s’était attaché le projet européen intitulé servant project consacré à la domesticité et aux parcours de vie (Fauve-Chamoux, 2009). Mais ces travaux ont surtout concerné le monde urbain où le travail domestique est massif, notamment durant la deuxième moitié du 19e siècle. Ils ont mis en évidence l’existence notamment de domestiques de profession pour lesquels ce métier n’est pas une étape avant le mariage mais une profession pratiquée pendant plusieurs décennies et n’empêche pas le mariage (Arru, 1990; Sarti, 2005).

La perspective que nous souhaiterions adopter dans cet article est différente puisqu’elle n’interroge pas la place et le rôle des domestiques dans la composition des ménages qui les accueillent ou les parcours de domesticité pour eux-mêmes et donc le life cycle service mais, plutôt, le rôle de la domesticité et, plus largement, du travail « salarié » dans l’économie de la famille paysanne dont sont issus ces jeunes gens. Les travaux qui envisagent le travail des enfants et la domesticité paysanne de ce point de vue sont finalement assez peu nombreux (Lambretch, 2013). On peut l’expliquer de plusieurs manières. On peut d’abord souligner la rareté des sources disponibles. Contrairement à l’engagement urbain qui fait souvent l’objet d’un contrat écrit, le travail « salarié » à la campagne passe souvent par l’oral. En France, si on trouve des contrats de domestique agricole à l’année, le travail des journaliers est souvent le fait d’un accord non écrit (Boudjaaba, 2014). En outre, les sources démographiques, notamment les listes nominatives, permettent aisément de faire le lien entre un domestique et le ménage dans lequel il travaille, mais plus difficilement avec la famille dont il est issu. Une autre raison, à nos yeux plus fondamentale, est liée à la place accordée par l’historiographie à l’idée d’une famille paysanne autosuffisante, vivant pour l’essentiel à l’écart des marchés et notamment de celui du travail (Boudjaaba, 2014). Nous pensons en particulier à l’impact de la conception chayanovienne de l’exploitation familiale : celle-ci postule l’adaptation de la taille de la ferme à la taille du ménage et constitue une hypothèse intéressante pour un monde plus ou moins vide où la terre est largement disponible du fait des basses densités de population, comme c’est le cas dans la Russie de Chayanov (Chayanov, 1991), ou des espaces en voie de colonisation (Desserault, 2004). Or, en France, et plus spécifiquement dans les plaines céréalières du Grand Bassin Parisien, la prise en compte du travail des enfants et de la domesticité implique un fonctionnement différent des économies agricoles, puisque c’est le ménage qui, le cas échéant, adapte sa taille à celle de l’exploitation en faisant appel à des domestiques ou des travailleurs agricoles occasionnels, et non l’inverse.

Cet article ne prétend toutefois pas traiter dans toutes ces dimensions la question du rôle du travail des enfants dans l’équilibre économique du ménage de leurs parents, que celui-ci s’effectue dans ou hors du ménage, comme domestique notamment. Son ambition est plus circonscrite. Nous tenterons à partir des familles paysannes du canton de Marines, situé dans le département de Seine-et-Oise à environ 50 kms au Nord de Paris, de comprendre les processus de mise au travail des enfants qui restent domiciliés chez leurs parents.

Le canton de Marines, composé de 36 communes, est peuplé de 14.500 habitants environ en 1836. Il est à de nombreux point de vue un canton typique des régions de grande culture du Bassin Parisien. En raison d’une transition démographique précoce et des migrations vers les villes (Paris et dans une moindre mesure Pontoise), le plein démographique est atteint au début des années 1830. L’habitat est groupé, les ménages sont nucléaires et, au-delà du mariage des enfants, le phénomène de co-résidence parents-enfants reste une exception1. Il est souvent lié au veuvage, des femmes, en particulier, mais même dans ce cas il constitue une exception2. La production de céréales (blé et avoine) est omniprésente (y compris dans les petites exploitations). Le canton est aussi spécialisé dans la production de veaux à destination du marché parisien. Les écarts de fortune entre la plèbe rurale et les cultivateurs et fermiers sont assez marqués (Herment, 2012)3. L’échantillon sur lequel nous travaillons est constitué de 25 communes peuplées de 9.500 habitants environ, soit les deux tiers de la population du canton4.

Nous n’avons pas souhaité travailler sur le parcours de vie des enfants qui quittent le ménage des parents pour devenir domestique ou pour travailler à l’extérieur en général. Nous avons fait le choix de regarder comment le travail des enfants et leur insertion dans le marché du travail font partie de l’économie familiale et comment cela peut s’articuler avec la présence et le travail d’éventuels domestiques dans le foyer familial. D’une certaine manière nous avons inversé le problème en regardant les conditions qui font que l’on entre de plain-pied dans le monde du travail tout en restant dans le ménage de ses parents et pas seulement en quittant le foyer parental pour devenir domestique. Dans cette perspective, nous avons choisi d’accorder une attention particulière au travail des filles avec l’idée que la prise en compte des rapports de genre peut nous aider à comprendre les ressorts de l’insertion des enfants dans leur ensemble sur le marché du travail et son articulation avec l’économie familiale (Boudjaaba, 2007).

Après avoir présenté les sources qui permettent de mener à bien cette enquête, nous nous intéresserons à la relation entre la qualification professionnelle des enfants et la configuration économique et familiale dans laquelle ils évoluent. En dernière analyse nous proposerons un modèle susceptible d’éclairer les facteurs qui favorisent, ou pas, l’insertion des enfants, et notamment des filles, sur le marché du travail local tout en constituant une alternative au life cycle service.

Structure et croisement des sources

Ce travail s’appuie sur le dépouillement de deux types de sources : les listes nominatives du recensement de 1836 pour 25 communes du canton de Marines, et les matrices originelles des rôles du cadastre, dressées entre 1828 et 1831, pour les mêmes communes (voir carte 1). Le recensement constitue la source principale d’information sur la structure des ménages et les qualifications professionnelles attribuées aux individus. Quant au cadastre, il offre un moyen commode d’évaluer la cohérence des qualifications professionnelles des individus, notamment par rapport à la distribution des fortunes foncières dans cet espace rural. Le croisement des deux sources permet d’élaborer une sociographie et de donner corps aux qualifications mentionnées dans le recensement. De ce point de vue, en dépit de leurs limites, les deux sources se complètent utilement (pour un approfondissement de ces questions voir Herment 2012).

Croisement cadastre-recensement. Niveau de fortune par qualification

Dans le canton de Marines le degré de polarisation de la propriété peut être évalué avec précision à partir du cadastre. Mais ce document est très imprécis quant aux qualifications professionnelles des propriétaires. Nous avons donc recherché si les chefs de ménages du recensement de 1836 étaient titulaires d’une cote cadastrale en 1831, date de la mise en forme des matrices cadastrales originelles. Le croisement des cotes cadastrales avec les qualifications des chefs de ménage mentionnées dans le recensement permet de mesurer les niveaux de fortune foncière par qualification.

Il est nécessaire d’exposer brièvement le contenu des matrices cadastrales et de pointer les limites de cette source, en particulier en ce qui concerne la propriété des femmes. Chaque entrée des matrices indique le nom, le domicile, et parfois, la profession des individus. A chaque entrée correspond une liste de parcelles (contenance, nature et revenu cadastral) dont le titulaire est propriétaire. Les données d’état civil sont sommaires, elles permettent néanmoins de cerner avec précision l’identité des hommes propriétaires domiciliés dans la commune.

Dans le cadastre, les cotes féminines sont assez rares puisque les propriétés des femmes mariées sont portées sous la cote de leur mari. Seules les cotes des veuves et des célibataires sont mentionnées5.

En ce qui concerne les veuves, les agents chargés de cadastrer le canton ne mentionnent pas le nom de famille de la veuve mais celui de son défunt mari. Les cotes des veuves sont donc portées sous le nom « veuve Untel ». Ce parti pris rend presque impossible le croisement des deux sources puisque, dans le recensement, les veuves sont nommées par leur nom de famille sans que l’agent recenseur précise nécessairement le nom du défunt mari. Dans le meilleur des cas, il est possible d’inférer du nom des enfants présents dans le ménage des veuves le nom du défunt, mais ce n’est pas toujours le cas. Il n’est donc pas possible d’effectuer un croisement entre les deux documents sauf à jongler avec les identités, ce qui, compte tenu de la fréquence des homonymies, est très périlleux.

Pour croiser les sources, il faut se contenter de travailler sur la propriété des couples6, dont le mari pourra être identifié comme chef de ménage dans le recensement de 1836.

Le croisement des sources pose trois autres problèmes

Une partie des propriétaires de 1831 a disparu en 1836. Ainsi, les individus propriétaires domiciliés dans une commune ont pu migrer dans une autre commune proche ou lointaine. D’autres individus sont morts, d’autres, enfin, ont vendu ou cédé leurs propriétés entre les deux dates. Certaines cotes cadastrales ne correspondent donc à aucun individu clairement identifiable dans le recensement. Inversement, des chefs de ménages propriétaires en 1836 peuvent avoir acquis leur propriété entre 1831 et 1836. Ils n’apparaîtront donc pas dans les matrices originelles établies en 18317.

Le recensement de 1836 est le premier recensement nominatif dont un grand nombre de questionnaires municipaux sont arrivés jusqu’à nous, c’est le cas en particulier en région parisienne. Le recensement qui est établi selon un principe assez simple, pose un problème quant à la domiciliation des chefs de ménage8. Les individus adultes sont recensés dans la commune dans laquelle il réside, qui ne correspond pas nécessairement à la commune dans laquelle ils sont légalement domiciliés. Ce problème concerne plus particulièrement les salariés permanents des grandes fermes ou des petits établissements industriels. Néanmoins, en ce qui concerne les chefs de ménages mariés la correspondance entre domicile et résidence est quasi parfaite à quelques très rares exceptions. Il n’en va pas de même en ce qui concerne les individus non mariés, particulièrement les jeunes adultes qui peuvent occuper un emploi permanent dans l’une des grandes fermes du canton.

Le dernier problème concerne la taille de la propriété. En principe, la propriété des individus obéit à un principe de proximité assez strict. Ils possèdent au moins 50 % de leurs propriétés dans la commune dans laquelle ils sont domiciliés. Le regroupement des cotes cadastrales des différentes communes étant un exercice particulièrement aléatoire (le cadastre est assez imprécis sur l’identité des propriétaires forains), nous ne tiendrons compte que des propriétés strictement autochtones, c’est-à-dire celle que possède un individu dans sa commune de résidence9. Le fait de ne retenir que les cotes strictement autochtones introduit un biais important, mais il concerne plus particulièrement les ménages les plus riches, qui ont des propriétés dans plusieurs communes. Il est peu vraisemblable que les individus qualifiés de journaliers ou de manouvriers, qui possèdent en moyenne moins d’un hectare dans leur commune, contre plus de quatre hectares pour les cultivateurs, possèdent plusieurs hectares dans les communes voisines (voir tableau 1 ci-dessous).

Carte 1. Situation du canton de Marines


Le tableau 1, construit à partir du recoupement des sources cadastrales et du recensement, indique clairement que, dans le canton de Marines, la société rurale, est traversée par des inégalités de fortune foncière et immobilière très marquées. Il démontre par ailleurs que les qualifications attribuées aux chefs de ménages masculins dans les recensements reflètent assez fidèlement les inégalités de fortune.

Table 1

Fortune foncière par qualification attribuée par le recensement aux individus titulaires d’une cote cadastrale en 1831

Qualification

Superficie moyenne en ares selon le cadastre

Revenu moyen des propriétés selon le cadastre

Cultivateur

415,91

136,66

Journalier

85,91

32,36

Propriétaire

2 323,65

710,62


Il apparaît très clairement que les propriétaires se situent au sommet de la pyramide des fortunes immobilières et foncières, et que les « journaliers » sont substantiellement moins riches que les « cultivateurs »10.

Ces résultats sont très importants puisqu’ils nous permettent de considérer les qualifications des chefs de ménage dans le recensement comme des approximations valables des situations de fortune des ménages.

Les mentions de qualifications dans le recensement

Le recensement de 1836 est le premier recensement disponible pour une grande partie des communes françaises. Selon les instructions de la circulaire émanée du ministère de l’Intérieur, en date du 10 avril 1836, dans chaque commune le maire devait indiquer le nom, le prénom, la profession (ou l’occupation), le sexe, le statut matrimonial et l’âge de chacun membre des ménages domiciliés dans la commune11. Le recensement est globalement fiable en ce qui concerne les données d’état civil. C’est particulièrement net dans la région de Marines où la population largement alphabétisée peut vérifier l’exactitude les mentions portées par les agents recenseurs12.

Typiquement, un ménage comprend un chef de ménage (le mari), sa femme, ses enfants, quelquefois des domestiques (mariés ou non), et assez rarement des membres de la famille élargie (tante, oncle, neveu, nièce, grands-parents)13. Il existe aussi de nombreux ménages dont le chef est une veuve ou un veuf. La population des 25 communes s’élève à 9.262 individus répartis dans 2.795 ménages.

En ce qui concerne les qualifications14, la fiabilité du recensement est excellente pour les chefs de ménage mais nettement moins bonne pour les femmes mariées. Si les chefs de ménage masculin sont systématiquement qualifiés, leur épouse ne le sont jamais, ou peu s’en faut. La situation des veuves est moins tranchée, elles ne constituent pas tout à fait une « espèce sociale » comme l’indiquait J.-Cl. Perrot (Perrot 1975, p. 215). Sur 393 veuves chefs de ménage, 250 disposent d’une qualification (63,6 %).

La qualification des enfants posent des problèmes beaucoup plus redoutables. Mais avant d’aborder cette question il convient de revenir sur les principes de domiciliation. Trois catégories doivent retenir l’attention : les militaires, les domestiques à l’année et les enfants en nourrice ou en pension. Les militaires sont domiciliés au domicile de leurs parents ou dans le village dans lequel ils vivaient avant de partir à l’armée. C’est la raison pour laquelle 62 militaires apparaissent dans la base de données. Les domestiques à l’année sont enregistrés au domicile de leur employeur s’ils vivent dans le ménage de celui-ci. S’ils vivent chez leurs parents, ils sont enregistrés dans le ménage de leurs parents. Enfin, les enfants en nourrice ou en pension sont enregistrés au domicile de leurs parents, même s’ils vivent dans un autre ménage (avec leurs grands-parents par exemple)15.

Un examen attentif de la base de données permet d’affirmer que, globalement, les consignes ont été respectées par les maires des petites communes rurales si ce n’est par le maire de la commune du Bellay qui a domicilié chez leurs parents les enfants domestiques à Pontoise et Paris.

On admet souvent que les recensements ne donnent que peu d’indication sur les qualifications professionnelles des enfants qui vivent chez leurs parents. Pourtant, comme l’indique le graphique 1, dans les communes rurales du canton de Marines, les mentions de qualifications sont fréquentes, en particulier au-delà de l’âge de 16 ans, y compris pour les filles.

Au-delà de l’âge de 16 ans, les qualifications sont fréquentes, y compris pour les filles. Il faut convenir que nous sommes loin d’une mise en invisibilité du travail des enfants domiciliés chez leurs parents, des filles en particulier. Au contraire, le recensement s’avère être une source très riche en ce qui concerne le travail des enfants. Encore faut-il s’entendre sur la signification exacte des termes « qualification » et « enfant » que nous allons utiliser dans la suite de ce travail.

Dans le cadre de ce travail, la qualité « d’enfant » a été attribuée aux individus qui entretenaient un lien de filiation ou de parenté proche avec le chef de ménage quels que fussent par ailleurs leur âge et leur statut matrimonial. Cela explique que certains « enfants » soient mariés et âgé, voir veuf16. Dans tous les cas, ces « enfants » qui exercent une activité professionnelle constituent l’une des pièces du puzzle qui permet aux ménages d’assurer leur équilibre économique.

Graphique 1. Taux de qualification des enfants domiciliés chez leur(s) parent(s) (hors la commune de Marines)17


En ce qui concerne les qualifications, nous avons considéré toutes les mentions de « qualification », d’ « état », de « statut », de « profession » attribuées aux enfants domiciliés chez leurs parents. Afin de faciliter le traitement des données, si aucune qualification n’était mentionnée nous avons fait le choix de qualifier l’enfant de mineur s’il avait moins de 21 ans (âge légal de la majorité à cette époque) et d’inconnue (lorsque le recensement ne mentionnait pas de qualification) s’il avait plus de 21 ans.

Que reflètent ces qualifications ? Dans certains cas, il s’agit d’un état : militaire, étudiant, propriétaire, etc. Dans d’autre cas, l’agent recenseur fait mention d’une infirmité intellectuelle ou physique (la base de données comprend un idiot, deux idiotes, un infirme). Il faut ajouter à ce petit groupe de personnes que la nature n’a pas favorisé une « indigente », une personne « sans profession », un individu en détention à Pontoise et deux individus dont les qualifications étaient illisibles. Pour le reste, hormis un gros contingent de militaires, les mentions sont des mentions professionnelles ou des mentions qui renvoient clairement à des activités économiques qui dénotent une insertion sur le marché du travail. De ce point de vue, on peut affirmer que l'activité professionnelle déclarée de nombreux jeunes gens a lieu hors du foyer, notamment pour les enfants qui sont qualifiés de journaliers, de journalières, de lingère, de blanchisseuse, de charretier, etc. Il est évident que cette remarque n’a pas la même portée pour les enfants « cultivateur » ou « maçon », qui souvent travaillent dans l’entreprise familiale.

En dernière analyse, il faut insister ici sur le fait que la source permet un réel décentrement par rapport à de nombreux travaux antérieurs : au lieu de travailler sur la mise en domesticité comme étape du parcours de vie, nous sommes en mesure de nous intéresser à la mise au travail (à l'extérieur du foyer familial tout en y vivant), ce qui constitue une étape alternative possible au life cycle service dans le parcours de vie des jeunes.

Qualification des enfants et des parents

Le graphique 1 démontre clairement que les agents recenseurs des petites communes rurales se sont appliqués à qualifier les enfants. Ces mentions sont-elles appliquées au hasard ? On peut en doute puisqu’elles se multiplient à partir de l’âge de 16 ans. C’est une première indication sur les processus de mise au travail des enfants (hors ou au sein des ménages) et la raison pour laquelle nous n’avons choisi de travailler sur les qualifications des enfants de plus de 16 ans.

Afin de mesurer l’intérêt des qualifications attribuées aux enfants qui vivent chez leurs parents, il convient de les examiner en tenant compte de plusieurs variables, les unes renvoient à la qualification et au statut matrimonial du chef de ménage ; les autres ont trait aux caractéristiques de l’enfant, en particulier son âge, son sexe et son rang dans la fratrie.

Nous envisagerons dans cette seconde partie trois variables :

* Le taux de qualificationdes enfants18 en fonction de la qualification et du statut matrimonial du chef de ménage.

* Les qualifications des enfants et celles des chefs de ménages.
Taux de qualification des enfants et situation économique des ménages

La table 2émontre que les taux de qualification des enfants varient en fonction de la qualification et du statut du chef de ménage. Les taux de qualification des enfants des propriétaires et des cultivateurs sont inférieurs à ceux des enfants de journaliers, de domestiques et de manouvriers, de bergers et de charretiers.

Table 2

Qualification des chefs de ménage ayant des enfants de plus 16 ans et taux de qualification des enfants

Qualification des chefs de ménage

Enfants qualifiés %

Enfants non qualifiés %

Nombre total d'enfants de plus de 16 ans

Propriétaire

55

45

42

Cultivateurs

53

47

217

Journaliers, manouvriers, domestiques

73

27

189

Bergers et charretiers

75

25

55

Veuves

76

24

131


La fragilité économique énages semble induire un taux de qualification plus important des enfants de plus seize ans. La situation des enfants des veuves confirment ce diagnostic que l’on peut affiner en distinguant les taux de qualifications des enfants de sexe féminin pour les différentes catégories de chefs de ménages.

Table 3

Qualification des chefs de ménage ayant des enfants de sexe féminin de plus 16 ans et taux de qualification des enfants

Qualification des chefs de ménage

Enfants (fille) qualifiés %

Enfants (filles) non qualifiés %

Nombre total d'enfants de plus de 16 ans

Propriétaires et cultivateurs

34

66

110

Salariés agricoles

56

44

111

Veuves

65

35

57

Ainsi, loin d’être distribuées au hasard, les qualifications des enfants de plus de seize ans reflètent en premier lieu la situation économique des ménages. La situation des enfants de sexe féminin confirment pleinement ce diagnostic. Les enfants de sexe féminin des ménages les plus fragiles, ceux dont le chef est salarié agricole, sont très majoritairement qualifiés, alors qu’à peine un tiers des enfants de sexe féminin appartenant à des ménages dont les chefs sont cultivateurs ou propriétaires disposent d’une qualification. La situation des enfants de sexe féminin dans les ménages dont le chef est une veuve est particulièrement symptomatique. Les ménages dirigés par les veuves sont particulièrement fragile sur le plan économique. A l’âge, généralement assez élevé du chef de ménage, s’ajoute la perte de la maitrise d’une partie du patrimoine foncier et immobilier et la diminution des capacités productives du ménage.

Les qualifications des enfants et celles des chefs de ménage masculin

Les statistiques précédentes laissent apparaître une relation entre la qualification des enfants et la fragilité économique des ménages. Afin d’en mieux rendre compte il convient d’examiner les qualifications exactes des enfants en fonction de la qualification des chefs de ménage. Pour les enfants mâles, on s’attend à un fort degré de reproduction sociale, particulièrement chez les artisans ruraux. La table 4 démontre que c’est le cas.

Les résultats indiquent un fort taux de reproduction sociale, particulièrement net chez les maçons dont le comportement est représentatif de celui des artisans ruraux (bourrelier, maréchal, couvreur, etc.). Dans ces catégories sociales, la mise au travail des enfants s’inscrit dans une stratégie de continuité de l’activité paternelle.

Dans les autres classes de la société rurales, plus directement liées à l’activité agricole, le phénomène de reproduction sociale est moins net et n’a pas nécessairement la même signification pour les enfants de cultivateurs et pour les enfants de journaliers. Soulignons toutefois qu’aucun enfant de journaliers n’est qualifié de « cultivateur », et que seulement 6 % des enfants de cultivateurs sont qualifiés de « journalier ».

Table 4

Qualification des enfants de sexe masculin en fonction de la qualification des chefs de ménages masculin19

Chef de ménage

Cultivateurs%

Journaliers%

Maçons%

Propriétaires%

Toutes les qualifications%

Enfants (masculins) tous ménages


Enfants

Mineur ou inconnue

32

14

18

30

22

114

Cultivateurs

29

0

0

25

12

61

Journaliers

6

29

14

10

11

55

Maçon

4

0

55

0

8

40

Propriétaires

0

0

0

0

0.5

2

Charretiers

8

17

0

0

9

45

Domestiques

2

10

0

5

3

17

Militaires

5

13

0

10

9

45

Autres

14

17

13

20

26

140

Effectifs

129

93

22

20


519


Les enfants de journaliers sont majoritairement journaliers, charretiers, domestiques et militaires. Leurs qualifications, qu’il s’agisse de professions ou d’état, reflètent un fort degré de dépendance vis-à-vis du salariat, et dans le cas des militaires, une absence de capital mobilisable qui permettrait d’échapper à la conscription. La situation des fils de propriétaire est la plus ambivalente. Si 55 % sont cultivateurs ou non-qualifiés, 10 % sont militaires, et 10 % journaliers. Il convient de tenir compte de la spécificité des configurations familiales : ainsi, les deux fils de François Noël Bazile Quervet sont militaires, alors que les deux fils d’André Pierre Maillard sont journaliers. Il est par ailleurs probable que cette ambivalence reflète à la fois l’imprécision des contours de la catégorie des propriétaires – qui renvoie plus à un état qu’à une profession – et l’étroitesse de notre échantillon.

Les enfants de cultivateurs offrent un profil très différent. Leur taux de qualification global est très nettement inférieur à celui des journaliers (68 % contre 86 %). Ils sont nettement sous représentés chez les journaliers et les militaires. La qualification la plus fréquente est celle de « cultivateur ». Au moins autant qu’une qualification professionnelle, il s’agit d’afficher ou d’affirmer un statut social. Il est assez probable que le redoublement des qualifications père-enfant, cultivateur-cultivateur, a une double fonction : d’une part l’enfant prend part à la mise en valeur de l’exploitation paternelle, d’autre part, il succède potentiellement à son père ou son beau-père, dans son statut, si ce n’est dans son exploitation.

Dans tous les cas, pour apprécier les qualifications des enfants mâles, il faut tenir compte de deux variables : l’autonomie des parcours individuels des enfants et l’équilibre économique du ménage dont ils sont membres. Dans le cas des enfants de cultivateurs, l’économie du ménage repose essentiellement sur la mise en valeur d’une exploitation agricole, dans celui des enfants de salariés agricoles elle repose sur la mise au travail des enfants en dehors du ménage.

Les qualifications des enfants de sexe féminin permettent de mieux cerner l’effet de la situation économique des ménages et l’arrivée sur le marché du travail salarié des enfants des ménages les plus fragiles.

Table 5

Qualification des enfants de sexe féminin en fonction de la qualification des chefs de ménages masculin20

Chef de ménages

Enfants

Cultivateurs%

Journaliers%

Maçons%

Propriétaires%

Toutes les qualifications%

Enfants (féminin) tous ménages

Mineur ou inconnue

68

50

47

59

53

204

Domestiques

14

14

6

5

13

50

Couturières

9

16

24

5

15

57

Blanchisseuses

2

0

0

5

3

12

Lingères

0

3

0

0

1

4

cultivateurs ou cultivatrices21

3

0

0

0

2

6

journalières ou journaliers

2

17

0

5

11

41

Effectifs

88

70

17

22


385


Il ne saurait être question de repérer des phénomènes de reproduction sociale pour les couples père-fille. Les résultats n’en sont pas moins très intéressants. Le taux de qualification des enfants de cultivateurs est très nettement inférieur à la moyenne (32 % contre 47 %). Les qualifications préférentielles chez enfants de journaliers indiquent clairement que les jeunes filles sont contraintes de travailler en dehors du foyer familial, en clair, d’aller sur le marché du travail pour offrir leur service. Elles sont préférentiellement qualifiées de journalières, de domestiques et de couturières.


Qualification des enfants des veuves

Le lien entre la qualification des enfants et la situation économique du ménage apparaît plus clairement encore si l’on étudie les qualifications des enfants des ménages dont le chef est une veuve.


Tableau 6

Taux de qualification des enfants féminins des ménages dont le chef est une veuve



Enfants (masculin)%

Enfants (masculins) tous ménages %

Enfants de sexe féminin

Enfants (féminin) %

Enfants (féminin) tous ménages %

Mineur ou inconnues

16

22

Mineur ou inconnues

35

53

Cultivateurs

14

12

Cultivateurs ou cultivatrices

5


Journaliers

11

11

Journalières

26

11

Domestiques

1

3

Domestiques

11

13

Maçons

14

8

Blanchisseuses

7

3

Militaires

4

9

Couturières

9

15

Charretiers

11

9

Lingères

4

2

Propriétaires

3

0.5

Propriétaires

2


Effectif

74



57

385


Un premier constat très important s’impose : pour les filles çons le taux de qualification est beaucoup plus élevé que dans la population de référence. C’est particulièrement net pour les filles (65 % contre 47 %).

Ces chiffres reflètent plusieurs phénomènes. En premier lieu, la fragilité économique des ménages. C’est particulièrement net en ce qui concerne les enfants de sexe féminin. 26 %, sont qualifiées de journalières contre 11 % dans la population de référence. Dans d’autres cas, la qualification est le reflet de phénomènes de reproduction sociale. 14 % des enfants masculin sont qualifiés de maçon, activité dont les femmes sont exclues. Il est fort probable que les enfants reprennent la suite de leur père. Enfin, la qualification de cultivateur renvoie sans doute à la prise en main de la direction des exploitations agricoles par de jeunes hommes, leur mère conservant la direction du ménage.

En définitive, le veuvage semble avoir deux effets. D’une part, dans les ménages d’artisans et de cultivateurs, il accélèrerait la vitesse des cycles de reproduction sociale. D’autre part, pour les enfants des ménages économiquement vulnérables, il accroîtrait la probabilité d’une entrée précoce sur le marché du travail.

Qualifications des enfants au sein de la fratrie

Si la qualification des enfants dépend à la fois de la situation économique du ménage et de sa configuration, il convient d’examiner les taux de qualification en fonction de la taille et de la composition de la fratrie. De ce point de vue, on peut supposer que le statut des jeunes filles (qualifiées ou non qualifiées) est au moins partiellement lié à la taille et à la composition de la fratrie, qui est, sans doute, l’un des déterminants les plus importants des conditions de la mobilisation de la force de travail au sein du ménage et hors du ménage. Nous examinerons successivement les taux de qualifications des filles selon la taille de fratrie, avant de proposer un modèle général qui tiendra compte de l’ensemble des variables que nous aurons examinées.

Enfants féminins uniques dans le ménage et rapport filles/garçon au sein d’une fratrie

Le sort des enfants uniques dans le ménage, plus particulièrement celui des filles, peut servir de révélateur des conditions de mobilisation de la main d’œuvre22. Nous avons retenu deux cas de figure : celui des filles uniques dans le ménage proprement dites et celui des filles qui tout en ayant des frères et sœurs étaient les seules enfants de plus de 16 ans de la fratrie.

Le tableau 7 fait clairement apparaître deux profils spécifiques par rapport au standard global (taux de qualification de 53 % pour l’ensemble des enfants de sexe féminin).

Le taux de qualification des filles qui sont les seules enfants de plus de seize ans au sein d’une fratrie est très faible (à peine 37 %). On peut supposer que ces jeunes filles sont mobilisées au sein du ménage pour s’occuper de leurs petits frères ou de leurs petites sœurs. Leur mobilisation dans l’économie interne du ménage les exclurait du marché du travail. Mais, au moins autant que les nécessités d’ordre domestique il faut mettre en cause l’équilibre global du ménage. De ce point de vue, ce n’est certainement pas un hasard si les filles membres des ménages dont le chef est cultivateur ont un taux de qualification très bas (12 %), alors que ce taux s’élève à 50 % chez les filles membres des ménages dont le chef est salarié agricole23.

Table 7

Taux de qualification des enfants féminins uniques dans le ménage


Filles uniques %

Un seul enfant de plus de seize ans (fille unique dans le ménage) %

Majeur ou inconnue

47

42,34

47

62,67

Journalières

21

18,92

4

5,33

Cultivatrices

1

0,90

0

0,00

Domestiques

9

8,11

13

17,33

Couturières

23

20,72

8

10,67

Lingères

0

0,00

0

0,00

Blanchisseuses

6

5,41

1

1,33

Effectif total

111


75


Le taux de qualification des filles uniques (dans le ménage) proprement dite renforce cette interprétation. Dans ce cas, de nombreuses jeunes filles vont sur le marché du travail. Tout se passe comme si elles n’étaient plus contraintes de participer très activement aux tâches ménagères. On peut toutefois s’interroger sur le caractère libérateur d’un travail de journalière, de domestique ou de blanchisseuse. Il convient enfin de souligner que de très nombreuses jeunes filles sont couturières, ce qui peut s’interpréter comme le signe d’une certaine aisance du ménage et/ou du sacrifice que font les parents pour offrir à leur enfant un métier relativement valorisant et qui nécessite un apprentissagexxiv.

S’interroger sur la signification des taux de qualification des jeunes filles nécessite de prendre en compte l’ensemble du ménage. Il faut donc analyser l’effet de la présence au sein du ménage de garçon(s) en âge de travailler sur la qualification des enfants de sexe féminin.

Le tableau 8 indique que la présence d’au moins un garçon en âge de travailler au sein du ménage a un effet sur les taux de qualification des filles. 60 % d’entre elles ne se présentent pas sur le marché du travail salarié. Le taux de non-qualification est particulièrement élevé chez les enfants de cultivateurs : (72 % chez les filles de cultivateurs, 45 % chez les filles de salariés agricoles). Une fois de plus, beaucoup plus que la possibilité de se constituer une dot, c’est bien l’équilibre global du ménage qu’il faut mettre en avant. Les filles de cultivateurs, déjà largement protégée d’une mise au travail salarié précoce, sont presque absentes du marché du travail si elles ont un frère en âge de travailler.

Table 8

Taux de qualification des filles de plus 16 ans en présence d’au moins un frère de plus de 16 ans %

Majeur ou inconnue

89

60,54

Journalières

10

6,80

Cultivatrices

5

3,40

Domestiques

21

14,29

Couturières

18

12,24

Lingères

1

0,68

Blanchisseuses

0

0,00

Total

147



Modèle d’insertion sur le marché du travail des enfants de plus de 16 ans vivant chez leurs parents

Ces derniers résultats conduisent à réinterroger certaines idées reçues et interprétations toutes faites sur la signification du faible taux d’activité déclarée des filles. Le fait que les filles de cultivateurs, c’est-à-dire des plus aisés du monde agricole, soient peu présentes sur le marché du travail amène en effet à qualification à l’aune du seul sous-enregistrement et de la seule sous-reconnaissance, volontaire ou implicite, du travail féminin (Duribreu-Hallosserie, 2002). Le degré de déclaration semble ressortir également de la position sociale des familles et pas seulement du sexe des jeunes gens. Mais, à ce stade trop de variables peuvent interférer (l’âge de l’enfant, l’étendue de la fratrie présente au sein du ménage, le statut matrimonial du chef de ménage et les qualifications des chefs de ménage) pour que les statistiques descriptives soient en mesure de nous permettre de faire la part des colinéarités et des effets propres de chaque facteur, compte tenu notamment de l’étroitesse des échantillons. C’est pourquoi l’utilisation d’une régression (de type probit) a paru nécessaire pour déterminer la significativité de chacune de ces variables sur le fait ou non de déclarer une activité professionnelle pour les enfants résidant chez leur parents.

Le modèle a été appliqué à la population des enfants âgés de plus de 16 ans du canton de Marines résidant chez leurs parents, soit 904 individus.

Le modèle confirme ce que les statistiques descriptives révélaient, à savoir que le taux de qualification des jeunes femmes est plus faible que celui des jeunes hommes et que celui des mineurs résidant chez leurs parents est plus faible que celui des enfants majeurs vivant chez leurs parents. Mais ce taux de qualification dépend également de la composition du ménage puisque les jeunes gens qui vivent dans un foyer dont le chef est une femme, de fait une veuve le plus souvent, ont significativement plus de chance d’être entrés sur le marché du travail et de déclarer une profession au recensement qu’un jeune homme ou une jeune femme vivant dans un ménage dont le chef est un homme.

Toutes choses égales par ailleurs, le fait de vivre dans le foyer d’un cultivateur réduit significativement la probabilité, pour les enfants de plus de 16 ans, de déclarer une profession par rapport au fait de vivre dans un ménage dirigé par un journalier.

Ajoutons que le fait que le ménage comporte également un garçon âgé de 16 ans ou plus conduit à réduire la propension à déclarer une profession pour les individus de plus de 16 ans et en particulier pour les filles.

Ce modèle est robuste et les modèles alternatifs envisagés mais non exposés ici (corpus de filles seulement, de garçons seulement, corpus excluant les garçons se déclarant comme militaires) mettent tous en évidence les mêmes facteurs.

Au total, le modèle montre, et c’était attendu, que la fortune « protège » les enfants du marché du travail. Ainsi les filles issues d’une famille de cultivateurs ont-elles moins souvent une qualification professionnelle dans le recensement. Mais ce qui est plus intéressant ici est que ce mécanisme qui consiste à écarter les filles du marché du travail est significativement à l’œuvre dès lors que le ménage compte au moins un garçon de plus de 16 ans. En d’autres termes, qu’il s’agisse d’une famille de cultivateur ou de journalier, la présence d’un « grand frère » (plus de 16 ans) réduit significativement les chances pour ses sœurs, même âgées de plus de 16 ans, d’avoir elles-mêmes une activité professionnelle déclarée. Cet élément nous semble décisif en termes d’interprétation de la sous-représentation des filles sur le marché du travail dans les recensements. Le fait que les filles de plus de 16 ans soient significativement moins présentes sur le marché du travail dès qu’elles ont un frère de plus de 16 ans concerne tous les groupes sociaux et pas seulement les plus aisés, c’est pourquoi nous sommes conduit à considérer que cela traduit moins un sous-enregistrement volontaire ou implicite du travail féminin qu’une forme de protection des jeunes filles par rapport au fait de devoir sortir de la cellule familiale pour aller chercher un revenu complémentaire. Dès lors qu’un garçon est en âge de se porter sur le marché du travail extérieur à l’exploitation familiale pour apporter ce revenu d’appoint à la famille, les filles ont moins nécessité d’aller chercher un emploi hors du ménage. La présence d’un frère de plus de 16 ans constituerait en quelque sorte une garantie qui limite les risques de devoir travailler à l’extérieur pour les filles qui ont pourtant atteint un âge où les taux d’activité augmentent sensiblement.

Table 9

Modèle (probit) de la qualification professionnelle des enfants de plus de 16 ans résidant chez leur(s) parent(s)


Coef.

Std. Err.

z

P>|z|

[95% Conf. Interval]

Sexe de l'individu (référence: garçon)




Fille

-1.224242

.1361756

-8.99

0.000***

-1.491141

-.9573428

Statut matrimonial de l'individu (référence: célibataire)



Marié.e., veuf ou veuve

.0327209

.2647316

0.12

0.902

-.4861435

.5515852

Age de l'individu (référence: 17-20 ans)




21-24 ans

.3738856

.1079183

3.46

0.001***

.1623695

.5854017

25-29 ans

.6464441

.1605953

4.03

0.000***

.331683

.9612052

30 ans et plus

.5548044

.1785539

3.11

0.002***

.2048452

.9047635

Statut matrimonial du chef de famille (référence: couple)



Homme seul (veuf ou marié)

.0668503

.1813313

0.37

0.712

-.2885524

.4222531

Femme seule (veuve ou célibataire)

.4073508

.1577563

2.58

0.010**

.0981541

.7165475

Nombre d'enfants dans le ménage (référence: enfant unique)


2 enfants

-.1502988

.1332569

-1.13

0.259

-.4114775

.1108799

3-4 enfants

.2905983

.1375747

2.11

0.035**

.0209569

.5602397

5 enfants et plus

.065044

.1683706

0.39

0.699

-.2649563

.3950444

Qualification du chef de ménage (référence: salariés agricole)


Cultivateur ou cultivatrice

-.705727

.1219349

-5.79

0.000***

-.9447151

-.4667389

Propriétaire ou rentier

-.6148815

.1983167

-3.10

0.002***

-1.003575

-.2261879

Divers (artisans, profession libérale, fonctionnaire et salariés divers)

-.3139622

.1230713

-2.55

0.011**

-.5551776

-.0727469

Qualification inconnue

-.6827248

.2352562

-2.90

0.004***

-1.143818

-.2216311

Présence de frère de plus de seize ans (référence: pas de frère de plus de 16 ans)

1 enfant mâle de plus de 16 ans

-.4687525

.1516328

-3.09

0.002**

-.7659473

-.1715577

2 enfants mâles ou plus de plus de 16 ans

-.6019778

.193541

-3.11

0.002***

-.9813112

-.2226443

Constante

1.308627

.180273

7.26

0.000

.9552983

1.661955

Number of obs = 904
LR chi2(16) = 178.94
Prob > chi2 = 0.0000
Log likelihood = -499.21324 Pseudo R2 = 0.1520

*** effet significatif à 99 %
** effet significatif à 95 %
* effet significatif à 90 %


Conclusion

En inversant l’approche classique de la mise au travail des jeunes gens, considéré non plus à travers le prisme de leur placement comme domestique mais en analysant la place et le rôle de leur travail à l’extérieur du foyer parental où pourtant ils vivent, il nous semble, au terme de cet article, être parvenu à mettre en évidence un certain nombre d’éléments qui méritent d’être signalés.

La présence de ces nombreux enfants, notamment ceux de plus de 16 ans et, a fortiori, les enfants majeurs qui travaillent à l’extérieur mais continuent de résider chez leurs parents rappelle tout d’abord que le life cycle service est loin d’être universel. Un autre modèle consiste à participer, par son travail à l’extérieur, aux revenus de sa famille tout en constituant les éléments de sa future installation au moyen de l’épargne.

Ce niveau d’activité professionnelle des enfants dépend largement de la configuration familiale dans laquelle ils vivent et du niveau de fortune du ménage. Appartenir à un foyer dirigé par une femme est en fait fréquemment le signe d’une fragilité économique du ménage et se traduit par un plus fort recours au travail salarié chez les enfants vivant avec elle. D’une manière générale, les ménages paysans les plus aisés ont moins d’enfants qui travaillent à l’extérieur. Cela ne signifie pas qu’ils ne travaillent pas ; en tous cas ils n’ont pas besoin de sortir du cadre domestique pour cela.

Le point le plus intéressant, cependant, est l’articulation entre le travail des enfants à l’extérieur et la configuration familiale dans laquelle ils évoluent. Le rapport à l’insertion sur le marché du travail apparaît très différent entre filles et garçons. Cela est bien établi par l’historiographie pour les enfants qui quittent le foyer parental, les filles se spécialisant dans la domesticité urbaine (Casalini, 2013), mais cela l’est moins pour les enfants qui restent au domicile de leurs parents. Le recensement de Marines permet de mettre en évidence les effets de la composition des fratries sur le taux d’activité féminin. Les filles se portent d’autant moins sur le marché du travail qu’elles ont un frère (de plus de 16 ans) qui le fait. Tout se passe comme si la présence de ce frère les dispensait de cette tâche.

La mise en évidence de cette corrélation nous conduit enfin à remettre en cause une interprétation classique du travail féminin par son présumé sous-enregistrement. Notre propos n’est pas de nier cette réalité ; le travail féminin est moins considéré que celui des hommes, il suffit pour s’en convaincre de regarder les écarts de salaires entre hommes et femmes au 19e siècle. Cependant, la moindre présence des filles sur le marché du travail ne peut être lue comme le seul résultat d’un sous-enregistrement et d’une sous-estimation par les familles et les agents du recensement, en particulier au sein des exploitations paysannes où le travail est familial par essence et où l’individualisation des tâches et des revenus restent délicates à opérer. Il nous semble, au total, que le faible taux de travail féminin traduit également une forme de protection au profit des filles. Non seulement les filles des cultivateurs sont plus souvent dispensées d’avoir une activité professionnelle, mais celles qui ont un frère de plus 16 ans également, quel que soit le niveau de fortune de leurs parents. Enfin, il est d’autres signes de cette protection fournie par la famille les plus aisées. Certaines activités sont plus ingrates que d’autres. Or, alors que 48 % des filles dont le chef de ménage est une veuve sont qualifiées de « domestiques », de « journalières », de « blanchisseuses » ou de « lingères », ce pourcentage tombe à 34 % chez les filles de journaliers. Le taux chute à 18 % chez les filles de cultivateurs.

Annexe. Nombre d’individus enfants par âge et par sexe (qualifiés et non qualifiés)

Âge

Enfants (filles)

Enfants (garçon)

Non qualifiées

Qualifiées

Non qualifiés

Qualifiés

12

68

5

74

2

13

54

7

67

4

14

64

6

48

9

15

43

18

39

13

16

36

27

31

33

17

30

16

23

39

18

35

20

21

34

19

25

24

14

41

20

24

12

13

32

21

21

16

9

47

22

14

13

12

37

23

12

7

9

31

24

6

8

3

30

25

6

1

5

25

26

5

5

2

12

27

2

4

1

20

28

1

0

1

12

29

0

3

0

6

TOTAL

446

192

372

427


638

799

 

 
Notas

1 Sur 2290 ménages (hors commune de Marines), 123 ménages comptent un veuf ou une veuve qui n’est pas le chef de ménage et n’est pas salarié du chef de ménage (soit 5.37 % des ménages). On ne compte que 11 ménages sur 2290 qui comprennent plus de 2 personnes mariées (soit 0,5 %). La structure nucléaire donc très largement la forme d’organisation familiale dominante dans la région.

2 Voir Gourdon 2005 : 68 pour le village de Samois-sur-Seine situé à 30 kilomètres au sud-est de Paris.

3 Il n’y a pas de vignerons à Marines. La région est située au nord de la l’aire d’extension de la vigne.

4 La population des 25 communes s’élève à 9.262 individus répartis dans 2.795 ménages.

5 Les femmes célibataires sont relativement rares. Pour qu’une célibataire (jeune en principe) dispose d’une cote autonome, il faut qu’elle ait perdu au moins l’un de ses parents. Par ailleurs, en cas d’indivision, ce qui est la règle tant que le partage des héritages n’a pas été effectué, les agents responsables de l’établissement du cadastre notent « héritiers Untel ».

6 Une fraction appartient en propre à l’épouse, une autre fraction au mari et une troisième à la communauté sans que l’on puisse discerner les apports de chacun, l’immense majorité des couples étant unis sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.

7 Plus généralement, durant ces cinq années deux types de phénomènes ont pu se produire : les individus relativement jeunes ont pu accroître la superficie de leur propriété, les individus les plus âgés ont pu céder leur propriété.

8 Les principes de domiciliation ne sont pas homogènes. Les militaires, les prisonniers sont recensés à leur domicile d’origine. Les enfants en nourrice et ceux placés dans des institutions scolaires sont recensés au domicile de leurs parents. Les salariés à l’année chez leur employeur. Circulaire du 10 avril 1836. Pour une critique des principes de domiciliation retenus voir Legoyt, 1863 : VII et 1870 : 42-43.

9 Pour une mise au point méthodologique nous renvoyons à Herment, 2009, p. 71 et suivantes.

10 La faiblesse des revenus cadastraux ne doit pas faire illusion. D’une part, ils ne concernent que la part du propriétaire, d’autre part, il sous estiment très nettement son revenu réel qui peut être évalué à cette époque à environ 100 francs l’hectare. Dans cette région assez riche, un exploitant qui dispose de 4 hectares en pleine propriété dispose d’un revenu qui le rend largement indépendant. Ces chiffres ont simplement le mérite de démontrer que la taille des propriétés est parfaitement corrélée aux revenus qu’elles sont susceptibles de générer.

11 Depuis fort longtemps, les ménages sont nucléaires (simple) dans la région parisienne. Seules les grandes fermes n’obéissaient pas à ce schéma puisqu’une domesticité plus ou moins importante vivait sous l’autorité du fermier. Mais, même dans ces cas, la cohabitation de couples de différentes générations ne constituait pas une norme.

12 Les âges ronds (10, 20, etc.) ne sont pas particulièrement surreprésentés, si ce n’est 60 ans pour les femmes.

13 Il n’y a qu’une seule usine dans le canton : une papeterie située à Seraincourt. Les 12 ouvriers de l’usine sont domiciliés chez leur employeur.

14 Le tableau que doivent remplir les maires indique : « titres, qualifications, état ou profession et fonctions ». La circulaire du Ministère de l’Intérieur ne donne aucune indication à ce sujet. Nous avons retenu le terme de qualification qui est le plus neutre. Voir Herment, 2009, p. 51 et suivantes.

15 Pour analyse plus précise des conditions dans lesquelles s’effectue le recensement voir Herment 2012, p. 66 et suivantes.

16 Outre les enfants, les gendres et brus et les petits-enfants, les nièces et les neveux ont été classés dans la catégorie enfants. La présence de quelques veufs ou veuves parmi les enfants s’explique par le fait que des individus jeunes qui ont perdu leur conjoint sont revenus vivre chez leurs parents. On le voit, la catégorie « enfant » est ici une catégorie sociale construite complexe.

17 Dans la commune de Marines (chef-lieu du canton), sur 125 individus âgés de 17 à 21 ans, 28 disposent d’une qualification (22,4 %), contre 381 sur 614 pour les petites communes rurales du canton, soit 62 %. Compte tenu du poids démographique et du profil spécifique de la commune de Marines en termes de qualification, il a semblé utile d’éliminer cette commune de l’échantillon.

18 Le taux de qualification représente ici le rapport entre le nombre d’enfants qualifiés et le nombre d’enfants total.

19 Lecture du tableau : 32 % des 129 enfants masculins appartenant à un ménage dont le chef de famille est qualifié de cultivateur n’ont pas de qualification.

20 Lecture du tableau : 32 % des 129 enfants masculins appartenant à un ménage dont le chef de famille est qualifié de cultivateur n’ont pas de qualification.

21 On rencontre les deux types de qualifications. Même observation pour la catégorie des journalières.

22 Le cas des enfants masculins uniques dans le ménage risque d’être beaucoup moins tranché puisque le taux de qualification des garçons est très élevé.

23 Journalier, berger, charretier, manouvrier ou domestique.

24 Le taux de qualification des filles de cultivateurs s’élève à 48 %, alors que celui des filles de journaliers agricoles s’élèvent à 57 %. Une fois encore c’est au moins autant l’équilibre économique global du ménage que la volonté de se constituer une dot qu’il faut mettre en cause.

 

Références bibliographiques

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Fecha de recibido: 3 de febrero de 2017
Fecha de aceptado:
30 de octubre de 2017
Fecha de publicado:
6 de diciembre de 2017

 

 

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